Le cinéma d’auteur a de plus en plus de mal à retrouver son public

Alors que s’ouvre le Festival de Cannes, le constat est sans appel : les blockbusters américains attirent massivement les spectateurs, et notamment les jeunes, alors que la plupart des films d’art et d’essai ont du mal à survivre, perturbant l’équilibre de toute la filière.

           

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La révolution culturelle américaine est maintenant derrière nous. Ce qui a du succès ne l'obtient qu'en s'imposant, c'est très différent des années 70, 80 et 90 à la limite. C'était une révolution culturelle à mes yeux. Mais aujourd'hui, il est anormal d'offrir toute cette place aux productions américaines. Leur culture devient de plus en plus intime et c'est tout à fait normal. C'est souhaitable, ça se mêle à la question sociale. En ce lendemain de fusillade terrifiante... comme il y en a des centaines chaque année aux États-Unis, je pense que le temps du rattrapage social est venu. Ce pays a pour devise la liberté... je pense que la population va devoir s'ouvrir les yeux sur ce qui lui arrive, c'est ça la liberté.


Le cinéma américain est depuis une vingtaine d'années en pleine déconfiture. Un grand nombre de films réalisés jusqu'à l'orée des années 2000 ne pourraient plus être réalisés aujourd'hui à cause de la censure. Les blockbusters d'aujourd'hui sont conçus pour être vendus dans le monde entier et plaire à tous les peuples. C'est la culture McDonald's. Le moindre projet un peu "ambitieux" est foutu à la poubelle. L'Amérique est aujourd'hui incapable de produire un "Parrain, un Apocalypse Now, Voyage au bout de l'Enfer, un JFK ou un Taxi Driver". La finance et son corollaire, le politiquement correct, ont détruit la possibilité d'une renaissance du cinéma américain.


Le cinéma d’auteur a rarement rempli les salles au cinéma, sauf en festival. Avec des sorties en salles très limitées, souvent doublées en français. Par contre, il gagne souvent sa reconnaissance en diffusion TV, en VOD ou en DVD/BluRay (qui disparaîtront aussi bientôt, ainsi va la vie). Mais c’est un peu ce que Gainsbourg disait concernant les arts mineurs et les arts majeurs. Certains nécessitent une initiation. Le grand public ne se précipite pas vers ces films car on ne lui en a jamais donné les clés à l’école ou dans la vie. La culture en France est tout sauf démocratique. Dans l’ensemble, qui va à l’opéra, qui va voir des peintures de la Renaissance ou abstraites contemporaines (la plupart des gens confondent d’ailleurs l’art et le beau, ne vous demandez plus pourquoi), qui lit les revues dites intello, et qui enfin, va au cinéma voir des films polonais en plan fixe avec deux minutes de dialogue en noir et blanc pour sortir les larmes aux yeux en évoquant la portée symbolique de cette œuvre magistrale(bien sûr, je grossis le trait), qui va au théâtre voir autre chose que du stand-up? Souvent les mêmes publics, pas forcément « bourgeois » mais ayant eu cet accès et cette initiation, bien souvent concentrés dans des foyers dits « éduqués ». Qui lit de la poésie autrement qu’en programme imposé ? Un problème majeur vient du fait qu’on ne fait pas assez participer les jeunes/les catégories sociales moins aisées à créer, à écrire, à jouer. Juste à suivre des choses selon le point de vue de quelqu’un d’autre qui lui-même l’a appris du point de vue de quelqu’un d’autre. On connaît bien mieux la valeur d’une discipline quand on l’a pratiquée. Les ateliers de théâtre et d’écriture trouvent un engouement notable auprès des personnes incarcérées, c’est un exemple parmi beaucoup d’autres. Mais il ne faut pas s’étonner du faible succès public quand celui-ci n’y a jamais été invité et qu’on ne lui parle pas.




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