Dans une tribune, plus de deux cents élus, dont Christophe Castaner et Bruno Retailleau, défendent la corrida et s’opposent à « l’écototalitarisme »

Défenseurs et adversaires de la tauromachie se sont mobilisés samedi avant un vote de l’Assemblée nationale sur une proposition de loi visant à abolir cette pratique. Rejetée mercredi en commission, elle a peu de chances d’aboutir.

           

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" LE SENS DU SACRIFICE

Dans de très nombreuses religions, on trouve, sous diverses formes, la pratique des sacrifices, sorte de troc entre l'homme et la divinité dont on veut apaiser le courroux ou obtenir quelque bienfait. L'idée de se rapprocher des entités adorées en offrant des êtres vivants est vieille comme l'humanité. Les victimes des rites sacrificiels ont d'abord été des êtres humains, puis, avec le temps et l'adoucissement des mœurs, l'animal s'est substitué à l'enfant ou à la jeune vierge.
Dans l'Égypte antique, la plupart des espèces animales sont sacralisées et idolâtrées. Les temples élèvent des animaux en rapport avec les dieux qui y sont vénérés et destinés à leur être offerts. L'existence de grandes volières à oiseaux (Tounah el-Gebel) ou encore de "couveuses" pour les œufs de crocodile (Médinet Mâdi) permet l'abattage puis la momification d'animaux en masse.
Des millions d'ibis, animal sacré associé au culte de Thot (dieu de la sagesse et de l'écriture), ont ainsi été tués et momifiés au cours de l'Antiquité égyptienne depuis au moins 700 ans avant notre ère.
Quelque 70 millions d'animaux auraient été embaumés en Égypte, comme l'attestent les découvertes archéologiques d'immenses catacombes animalières, telles que celles de Saqqarah.
Chez les Mayas, le sacrifice d'animaux au cours de cérémonies religieuses aurait joué un rôle important dans le développement de la société, les bêtes étant élevées presque exclusivement à des fins religieuses.
Dans la Rome antique, le sacrifice est le rite le plus important car il permet de maintenir la pax deorum, la "paix des dieux", en reconnaissant leur supériorité. Les Romains offrent à leurs divinités des animaux domestiques : bovins, ovins, poulets, chiens, etc.
Sur le site historique de Tenochtitlan au Mexique, fief de la civilisation antique aztèque, ont été découverts les vestiges de quelque 400 espèces animales enterrées dans un but sacrificel lors d'une soixantaine d'offrandes aux dieux de la cité : pumas, jaguars, loups, mollusques, poissons, oiseaux (pie, colombe, caille, héron, chouette, faucon, colibri, canard, pintade, flamant rose), serpents, tortues, lézards...
Les grands monothéismes ne sont pas en reste. Les "trois religions du livre" ont légitimité la domination humaine de la nature et l'exploitation des animaux. Dans la Bible, Dieu exige des sacrifices d'animaux pour la rémission temporaire des péchés et en préfiguration du sacrifice complet et parfait de Jésus-Christ. L'immolation d'animaux est un thème important dans les Écritures, car "s'il n'y a pas de sang versé, il n'y a pas de pardon". On ne peut sacrifier à Dieu que des animaux purs, de ceux qui se mangent. Pour les quadrupèdes, il ne peut s'agir que de ceux "qui ont le sabot fendu et qui ruminant", c'est-à-dire les bovins, ovins et caprins et quelques animaux sauvages comme le cerf, la gazelle et l'antilope. Du côté des poissons, de ceux qui ont écailles et nageoires (sont exclus tous les fruits de mer).
Quant aux oiseaux, seuls le passereau, la colombe, la tourterelle, la caille et la perdrix sont autorisés pour les offrandes.
Bien que ces pratiques aient cessé avec le sacrifice ultime du Christ lui-même, nombre de barbaries issues des anciens cultes païens ont perduré durant des siècles : jeter un âne du haut d'un clocher, une vache dans la mer depuis une digue, ou des taureaux depuis un pont comme cela se faisait à Lyon, enflammer les cornes d'une vache ou égorger des milliers devoirs au nom de la religion chrétienne. Aujourd'hui encore, des rituels cruels perdurent : la corrida (que cautionne une partie de l'Église catholique), des fêtes votives tel le "Toro de la Vega" en Espagne, ou tout simplement la consommation de "l'agneau de Pâques", de la "dinde de Noël" ou du "veau de la Pentecôte", légitimant un nombre colossal de victimes innocentes. Chaque année en France, 115 000 agneaux sont tués pour la fête pascale.
En comparaison, 200 000 ovins sont égorgés durant l'Aïd-el-Kebir, fête musulmane la plus importante qui commémore le sacrifice d'Abraham. Elle marque la fin du Hadjj (pèlerinage à La Mecque), le dernier mois du calendrier musulman. Chaque famille musulmane, dans la mesure de ses moyens, sacrifie un mouton, ou un autre animal, en l'égorgeant couché sur le flanc gauche et la tête tournée vers la Mecque.
Au Népal, des générations entières de pèlerins de succèdent au temple hindou de Gadhimai, situé à Bariyapur à 160 kilomètres au sud de Katmandou, pour perpétuer le plus grand sacrifice d'animaux au monde. Une coutume vieille de 300 ans voue à l'immolation d'animaux en masse l'apaisement de la colère de Gadhimai, déesse de la puissance, dans l'espoir d'une vie meilleure. Malgré la décision des autorités du temple de bannir cette cérémonie sacrificielle et un jugement de la Cour suprême du Népal l'année suivante demandant au gouvernement de la décourager, rien n'y fait. Tous les cinq ans, 5 millions de pèlerins entreprennent ce voyage, dont 80% d'Indiens amenant avec eux les animaux destinés aux offrandes. Durant les deux jours de cette fête rituelle, il est de tradition de massacrer jusqu'à un demi-million d'animaux : veau, vaches, buffles, chèvres, boucs, poulets, pigeons sont décapités de manière extrêmement brutale à coups de machette.
D'autres traditions qui n'ont rien à envier à ces rites religieux rivalisent de cruauté. Chaque année, au mois de juillet, les îles Féroé organisent le "Grindadráp", qui consiste à tuer des dauphins globicéphales et d'autres cétacés. Rabattus vers les plages par des bateaux, ils sont accueillis par une foule en liesse (dont des enfants) qui va les tuer à coups de harpons ou de couteaux.
Plus de 15 000 mammifères marins ont été massacrés de la sorte depuis l'an 2000. À Citilcum, Au Mexique, une tradition à l'origine inconnue se déroule tous les ans à l'occasion d'une "fête" lors de laquelle des animaux vivants sont frappés à coups de batte et les survivants sont écrasés par la foule. Le clou du spectacle consiste dans le sacrifice d'une oie accrochée par les pattes à un poteau assez haut qu'il faut tenter d'attraper par la tête pour la décapiter.
Qu'il soit religieux ou païen, l'holocauste animal revêt une dimension inouïe depuis des millénaires ; l'avènement de la civilisation n'a fait que l'accentuer."

(Carnage pour en finir avec l'anthropocentrisme / Jean-Marc Grancille)




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