L’Édito. du

« Son crime ? Trois discours contre la guerre en Ukraine qui lui ont valu, au terme d’une parodie de procès, une peine de vingt-cinq ans de colonie pénitentiaire »

           

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Si le drame des « malgré-nous » lors de la Seconde Guerre mondiale est bien connu, celui des Alsaciens ayant combattu dans l'armée allemande entre 1914 et 1918 l'est beaucoup moins. Cette différence tient certainement du fait que l'Alsace avait été annexée de force par le Reich en 1940, plaçant ainsi les jeunes alsaciens dans une position quasi intenable dès lors que Berlin décida de les mobiliser de force. En 1914, la mobilisation des Alsaciens dans les troupes allemandes apparaissait comme plus logique dès lors que l'Alsace (et une partie de la Lorraine) constituait un Land allemand depuis 1871. Au fil des décennies s'était d'ailleurs développée une conscience nationale alsacienne, mêlant l'attachement à la « petite patrie » (Heimat) au sentiment d'appartenance à une communauté plus large (Vaterland), cimentée par la langue et la représentation parlementaire au Reichstag. Si pour les anciennes générations qui avaient vécu l'annexion de 1871 une certaine nostalgie de la France continuait de se maintenir, pour les nouvelles générations en revanche, qui n'avaient connu que le rattachement au sein de l'Empire allemand, Paris, la République et la langue française constituaient des références de plus en plus éloignées.

Entre 1914 et 1918, ils furent ainsi 380 000 conscrits alsaciens et lorrains à être mobilisés et à revêtir l'uniforme feldgrau (contre 18 000 qui firent le choix de partir et de s'engager volontairement pour la France). Dès lors qu'il s'agissait de satisfaire leurs obligations militaires à l'égard de l'Etat auquel ils appartenaient, un refus assimilait les appelés à des déserteurs, avec les risques inhérents sur le plan de la justice militaire. L'état-major allemand, craignant des fraternisations, décida de les envoyer sur le front de l'Est pour éviter qu'ils n'aient à combattre contre les troupes françaises. Les Alsaciens combattirent ainsi les troupes russes sur les champs de bataille de la Prusse orientale, participant notamment aux batailles de Tannenberg et des lacs Mazures. Au début de l'année 1918, le retrait de la Russie de la guerre au lendemain de la révolution bolchevique, amena le transfert des divisions qui étaient stationnées à l'Est, au sein desquelles se trouvaient les Alsaciens, vers le front de l'Ouest. Les soldats alsaciens engagés dans l'armée du Reich eurent ainsi à combattre sur le sol français lors de la grande offensive allemande du printemps 1918 puis la contre-offensive alliée menée à partir de l'été.




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