« Les valeurs sur lesquelles l’UE repose sont à l’opposé de ce qui constitue l’esprit du temps »

CHRONIQUE. Alors que la guerre en Ukraine fait rage et que le conflit entre la Chine et les Etats-Unis structure l’époque, l’Union européenne va devoir assurer une part de plus en plus grande de sa défense, explique, dans une chronique, Alain Frachon, éditorialiste au « Monde ».

           

https://www.facebook.com/lemonde.fr/posts/10161553280452590

pour calmer les ardeurs de l'européiste auteur de cet article, je lui dirais que cette UE dont il nous parle n'est pas celle qui est partagée par des millions de citoyens de l'UE. Non seulement cette UE n'est pas démocratique mais le plus inquiétant, elle est devenue un vassal au service des intérêts géopolitiques de l'Oncle Sam ! Nos "va-t'en-guerre" bruxellois prétendent parler au nom des 500 millions citoyens de l'UE comme si ils avaient été mandatés pour cela, ce qui n'est pas le cas. Pendant que les américains récoltent les juteux fruits (géopolitique, armements, GNL, pétrole...) de leur cynique guerre par procuration, les européens (UE) payent la salée note ukrainienne avec tous les effets dévastateurs qui vont avec.


"Porter un regard nuancé sur l'Ukraine ne fait pas de vous un prorusse"

Depuis plusieurs années, « Marianne » s'efforce de tenir un regard critique et juste sur la politique américaine et sur l'Ukraine. Pour cette raison, au risque de se répéter, Natacha Polony, directrice de la rédaction, se voit obligée de le redire : je déteste le système Poutine, je défends la démocratie, je crois en l’État de droit, je crois en la séparation des pouvoirs et au droit international.

Depuis plusieurs années, et plus encore depuis l’invasion du 24 février 2022, Marianne et moi-même nous efforçons de tenir des propos nuancés sur l’Ukraine et de porter un regard juste, donc critique, sur la politique étrangère américaine. Pour cela, de « nouveaux imbéciles » (traduction approximative de l’anglais néocons) nous accusent d’être prorusses. Aussi, je le redis pour la énième fois, haut et fort : je déteste Poutine. Je déteste le système Poutine. Je défends la démocratie (la vraie, non dévoyée, et c’est le cœur de tous mes livres) donc je n’aime pas les autocrates. Je crois en l’État de droit (quand il ne sert pas à contourner la volonté du peuple) donc je n’aime pas les régimes fondés sur l’arbitraire. Je crois en la séparation des pouvoirs donc je n’aime pas les systèmes où l’on asservit le Parlement, contrôle les juges, déporte les opposants et assassine les journalistes. Je crois au droit international et donc je déteste les pays qui envahissent les États souverains (mais aussi ceux qui provoquent ou soutiennent des coups d’État), qui bombardent des civils, engendrent mort et destruction.

D’ailleurs, je le répète au cas où : je déteste Poutine. Je déteste le système Poutine. Je défends la démocratie donc je n’aime pas les autocrates. Je crois en l’État de droit donc je n’aime pas les régimes fondés sur l’arbitraire. Je crois en la séparation des pouvoirs donc je n’aime pas les systèmes où l’on asservit le Parlement, contrôle les juges, déporte les opposants et assassine les journalistes. Je crois au droit international et donc je déteste les pays qui envahissent les États souverains, qui bombardent des civils, engendrent mort et destruction.

Une fois que j’ai dit cela, en matière de politique étrangère, tenez-vous bien je suis… macroniste. Oui, je suis macroniste, du moins tant qu’Emmanuel Macron prolonge la vision gaullienne. Quand il soutient l’Ukraine tout en rappelant que la solution ne peut être que négociée, quand il envoie des armes sans pour autant faire sien l’agenda de Volodymyr Zelensky ou celui de Joe Biden, quand il s’oppose à l’introduction de deux paragraphes sur la Chine dans le rapport final d’un sommet de l’Otan, quand il dénonce le risque de « suivisme » des Européens sur Taïwan et met en garde contre une « accélération » que l’agitation des démocrates américains fait craindre dans un contexte inflammable… De même que de Gaulle savait pertinemment quoi penser de l’attitude des Américains vis-à-vis de leurs alliés (tant il est vrai qu’ils n’eurent de cesse de tenter de le déstabiliser) mais fut pour autant le premier chef d’État à soutenir les États-Unis lors de la crise des missiles de Cuba en 1962, de même, c’est parce que la France cultive sa troisième voie et défend une autonomie stratégique des Européens qu’elle peut être autre chose qu’un pion dans le jeu des empires reconstitués.

Petits soldats médiatiques de l’atlantisme servile

Quant à la critique de la politique américaine, elle n’exonère en rien Vladimir Poutine de sa seule responsabilité dans le massacre qui a cours sur le sol européen. En revanche, elle permet de comprendre comment, dans un contexte où le « Sud global » refuse le récit occidental entourant cette guerre, l’Europe joue sa survie économique et géopolitique dans les vingt ans à venir. Surtout, il faut avoir la mémoire incroyablement courte et ne raisonner qu’à échelle de quelques mois pour oublier que, si l’on juge détestable la politique russe, cela n’interdit pas d’avoir en tête le coup d’État de Pinochet en 1973, le bombardement de Belgrade contre le droit international, le bombardement de l’Irak à coups de mensonge… Et la reconnaissance de la culpabilité pleine et entière de Vladimir Poutine ne devrait pas amener à nier que les États-Unis, à travers des personnalités comme Victoria Nuland (ce qu’ont prouvé les enregistrements de ses conversations autour de Maïdan), se sont plus qu’impliqués dans la bascule de l’Ukraine du côté occidental.

La position de la France ne peut s’entendre que dans ce contexte et avec ces rappels nécessaires. Certes, les déclarations actuelles d’Emmanuel Macron ne valent rien si la France ne se trouve pas des alliés et ne se donne pas les moyens de son indépendance dans un contexte de concurrence exacerbée avec ses voisins européens. La question est bien celle des choix concrets en matière d’énergie, d’industrie de défense, de politique commerciale, autant de sujets qui semblent échapper totalement aux innombrables petits soldats médiatiques de l’atlantisme servile. Voilà. Ai-je été claire ? Dois-je le redire ? Qu’à cela ne tienne. Je déteste Poutine. Je déteste le système Poutine. Je défends la démocratie donc je n’aime pas les autocrates…

NATACHA POLONY 17/04/2023




+