« L’extrême droite et la crise écologique sont les deux portions d’un même cercle vicieux »

CHRONIQUE. Alors que la « préférence nationale » va faire son entrée dans le droit français, l’autre grande victoire culturelle des droites extrêmes est la conversion de tout le camp conservateur à l’hostilité vis-à-vis des politiques environnementales, estime Stéphane Foucart, journaliste au « Monde », dans sa chronique.

           

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Leo Barencey un peu réducteur comme propos, surtout si votre seul angle de vue consiste à écouter les discours de Marine Tondelier. Vous auriez pu citer Sandrine Rousseau pour rester dans la caricature. C'est malheureusement plus grave que votre balayage de mains teinté de nihilisme environnemental. En vérité, une société a besoin de projets. De ce point de vue, la question écologique est de nature à permettre une réinvention de la politique. Pour y arriver, le débat ne doit pas porter sur la question « Est-on ou pas écologiste ? » mais bien sur celle du « comment on l’est ? ». Il faut sortir de la dichotomie entre ceux qui vous promettent l’enfer si on n’agit pas et ceux qui veulent absolument ignorer le risque.


Leo Barencey c'est sans doute la lecture de la pensée de Nietzsche qui m'a aidé à jeter une lumière salutaire sur l’écologie. Moi aussi, j’oscillais avant entre déni, cynisme, malaise et culpabilité. C’est l’époque qui veut ça. Ces affects "négatifs" sont précisément ceux qu’il faut apprendre à surmonter. C’est comme avec le lexique tel que "sobriété" qui est encore associé à des valeurs et à des affects négatifs. Il existe un risque que cet idéal de sobriété reste vide, qu’il ne mobilise personne. Mais il y a aussi un risque qu’il mobilise de la mauvaise manière : par le réinvestissement de vieux affects de culpabilité, de cruauté contre soi-même ou de ressentiment contre l’existence, bref tout l’arsenal à l’arrière-plan de ce que Nietzsche appelle "les idéaux ascétiques. Je ne veux pas dire que la sobriété, c’est mal. L’enjeu est de regarder de plus près à quelles valeurs nous tenons. Je ne m'avance pas plus. Nous verrons.
Pour Nietzsche, la puissance ne peut croître qu’en retrouvant le goût des choses proches, ces choses terrestres que nous avons toujours eu tendance à négliger, en préférant fuir dans les cieux lointains de la métaphysique ou de la religion. J'apporterais ici plus de nuance que vous. Beaucoup de mouvements écologistes considèrent que leur tâche n’est pas seulement de défendre la nature mais de proposer une réforme plus globale de la culture. C’est une bonne chose, je crois. Cependant, je crois que l’écologie politique n’a pas à nous dicter un mode de vie tout fait, conforme aux exigences du respect de la planète. Souvent, on voudrait qu’il en soit ainsi : qu’on nous dise quoi faire et comment vivre. Comme si nous avions encore besoin de prêtres et de directeurs de conscience. Justement, Nietzsche ne nous dit pas ce qu’il est bien ou mal de faire. L’enjeu actuel est donc d’inventer une écologie qui ne nous permette pas seulement de survivre mais qui nous incite, profondément et intensément, à vivre.


Leo Barencey le monde politique s'appuie tjs au départ sur un consensus scientifique, sur des études indépendantes. La façon de les interpréter et de proposer des solutions diffère d'un parti à l'autre. Limiter vos reproches aux seuls "écologistes" ou à "la gauche", c'est soit être naïf, soit refuser de voir que tous les partis politiques font la même chose en diffusant leurs idées. Etant donné que les idéologies ont désormais remplacé les religions, vous n'avez donc pas d'autres choix que d'élargir la focale aux autres idéologies au risque de rester sur votre préjugé qui semble bien ancré puisque vous le répétez sans cesse (on dirait presque du Pascal Bruckner). Quelles sont ces idéologies ? Les nationalistes érigent la culture et la nation comme principes fondamentaux qui donnent du sens à la vie. Les écologistes font de même avec la nature et les libéraux avec la liberté. Or, la réalité est toujours plus compliquée et contradictoire. Pourquoi ? Et c’est à partir d’un dogme de départ qu’une idéologie peut se transformer en croyance. Ces idéologies accordent une place à l’homme que seules les religions lui ont octroyée avant. Dans l’écologie radicale, l’homme est responsable et surtout coupable de tout, de la pollution, du dérèglement du climat, etc. Pour le libéralisme, l’homme est responsable de sa condition, il peut s’en extraire, s’intégrer dans la société et en assurer la prospérité. Pour le communisme, l’homme a la responsabilité de créer un homme nouveau, plus égal. Ces idéologies ont une vision complétement fantasmée de la relation de l’homme au monde et attisent la même crainte que les religions traditionnelles. Pour elles, il y a tjs un début dans lequel l’homme vit en harmonie avec la nature et les siens. Mais il commet le "péché originel", qui émane très souvent de la pensée rivale à combattre. L’harmonie ayant été rompue, il n’a pas d’autre issue que de suivre les règles, enseignées par l’idéologie et par elle seule, qui va permettre de restaurer le vivre-ensemble. C’est ça l’idée ! Comme les religions traditionnelles, ces idéologies ont aussi leur grand prêtre : Karl Marx, Adam Smith, Peter Singer pour les antispécistes, etc. Puisqu’on sait depuis Nietzsche que l’Homme invente des "idéaux" pour nier le réel, nous devrions toujours choisir la croyance qui entraîne la plus faible détestation du réel. Les écologistes radicaux développent une détestation de la vie : ils recommandent de ne plus avoir d’enfants, par exemple. Les terroristes quels qu’il soient prônent une idéologie purement mortifère. Les idéologies du progrès technique paraissent moins dangereuses. L’écologie, à condition qu’elle arrive à harmoniser l’idée de l’homme et de la nature, me semble beaucoup moins néfaste que le nationalisme, le communisme ou les populismes qui opposent les individus entre eux en prétendant que tant qu’une catégorie de la population, les élites par exemple, existe, la société ne pourra pas fonctionner correctement. Mécaniquement, ce genre de pensée mène à la guerre.


Laurent Grange Je suis tout à fait d'accord et je souscris à 100% à votre analyse. La solution serait, tout simplement, de sortir l'écologie politique des mains de ces faux prophètes, des malveillants, des doctrinaires et leurs arrières-pensées, et de comprendre que l'idéologie est sans doute le pire substitut à la religion car elle encourage le tribalisme au delà des faits et des solutions. Mais nos médias, notre monde culturel, et même notre système d'enseignement (scolaire et supérieur) ne lâchera pas si facilement un si joli jouet, qui leur permet enfin de faire croire que leurs vieilles idées (finalement très totalitaire car il s'agit de créer un nouvel homme, un nouveau monde et de faire table rase) sont finalement la solution à un problème matériel (le climat). Ce recentrage n'arrivera jamais. Et nos universitaires continuent de se demander pourquoi, mais pourquoi l'écologie est massivement rejetée par un électorat qui n'est pas de gauche. Peut-être parce qu'elle est instrumentalisée par des escrocs et des faux prophètes.


Laurent Grange Ce qui m'étonne le plus (quoique), c'est l'insondable bêtise de ces écologistes modernes, qui ne parviennent pas à comprendre que leur vision de l'écologie est profondément rebutante, anti-humaine, et très manifestement le reflet de propre troubles personnels, psychologiques, affectifs, familiaux. Je connais beaucoup de personnes qui se sont jetés avec passion dans le combat écologiste non par connaissance, par conviction, par volonté d'apporter des solutions inédites, mais simplement par détresse ou par frustration personnelle. L'écologie politique actuelle semble être une espèce d'agglomérat de frustrations mondaines et citadines, où se cotoient un féminisme quasi chamanique (la mode des sorcières...), un appétit collectiviste qui n'a pas tiré les leçons du maoïsme, et un ressentiment souvent racial et anti-occidental (l'occident, oppresseur suprême et ultime, source de tous les maux). A partir du moment où un mouvement politique commence à parler de "rapport au monde", de "réinvention du rapport humain", je fuis car ce sont des velleités totalitaires qui dépassent de loin ce que doit le simple cadre de la politique, c'est à dire organiser la vie collective. Au-delà de ça, nous entrons dans le domaine du religieux, du totalitarisme, ou les deux. Toujours se méfier des gens que vous ne connaissez pas, mais qui veulent votre bien... L'écologie politique actuelle est une idéologie purement et simplement matérialiste, sans transcendance, et qui vise à contrôler, limiter, surveiller et condamner. Ses cadres ne comprennent pas que les humains ne sont pas des fourmis, mais des êtres pourvus d'ambitions, de rêves, de défauts, de jalousies, d'aspirations etc. Le meilleur remède, pour sauver un écologiste politique, c'est de lire de la littérature et enfin comprendre ce qu'est la nature humaine. Une chose que je remarque chez les écologistes politiques, c'est que ce ne sont pas des amateurs de littérature ou de poésie, et ils ne comprennent rien à la nature humaine. Ce sont des matérialistes qui voient leurs congénères comme des insectes que l'on peut régimenter. Ils me font horreur.


Laurent Grange Je crois qu'il faut sortir d'une certaine naïveté qui consiste à croire que ceux qui, dans le monde politique, se disent écologistes défendent la nature, luttent contre le réchauffement climatique et ont des solutions à proposer. Bien sûr que non. Si c'était le cas, ils ne mentiraient pas à tour de bras sur les ENR, le nucléaire, la gestion de l'eau etc. Ils vivraient non pas en ville, mais en campagne, ils connaitraient intimement la nature, avec un esprit d'ingénieur qui leur permettraient de proposer des solutions viables. Mais ça n'est bien sûr pas le cas, nous n'avons que des gauchistes mondains issus des sciences sociales qui ont trouvé dans l'écologie un exutoire parfait pour exprimer leur sentiment d'excellence morale. L'écologie est une notion qui est profondément de droite, quand on y pense : il s'agit de préserver, de conserver, de protéger. Et il s'agit d'élaborer des solutions qui ne sont pas bureaucratiques mais technologiques. Bref, le gauchisme est tout à fait incompatible avec la notion de préservation de la nature car il n'y vit pas (dans la nature) et il n'y comprend rien. C'est simplement un transfert idéologique : la lutte des classes appliquée à la nature, avec la passion de l'interdiction, de la décroissante, de l'interdiction etc. Le pire ennemi de l'écologie, c'est bien la gauche. Elle a rendu la notion d'écologie infréquentable : c'est le phénomène de la pastèque, une écorce verte et un intérieur rouge.




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